Un destin : Gilles Artigues - Jeunesse I

Publié le par Jovialovitch

 

 

- CHRONIQUE DU XXIe SIÈCLE -

 

     La jeunesse de Gilles Artigues est une longue histoire. Il naquit en province, loin de la capitale, mais toutefois proche de Lyon, cette ville si jolie quoique peu épargnée par la vulgarité moderne. Ses parents étaient eux-mêmes les enfants de familles aisées et dont l'éducation était irréprochable ; et Gilles Artigues fut élevé dans la joie et dans la plus grande harmonie, ce qui évidemment annonçait le destin de cet homme, car Gilles Artigues est bien un homme du destin. Son éducation sérieuse le rendit brillant et fort cultivé, mais cependant tout son savoir paraissait lui avoir été donné naturellement, de sorte qu'il était toujours en avance sur ses camarades, à l'école où il était surnommé, le solitaire. Car Gilles Artigues le fut aussi pendant cette fougueuse jeunesse. Bien que courtois, et intelligent, il était en outre crédule, et ce qui était le plus touchant chez ce jeune homme qui revêtait toujours du jaune en guise d'habit, ce qui d'ailleurs ne lui seyait que médiocrement, ce qui était le plus touchant donc, chez ce jeune homme, c'était son extrême sincérité. Sa mère qui s'en était aperçu avec émotion n'osa jamais le dire à son fils car elle avait peur que celui-ci perde ainsi tout son charme, toute sa profondeur qu'il ignorait sans doute. Son père n'aurait pu trahir sa femme ; il était mort très tôt, à cause d'une constitution physique excessivement faible, et Gilles Artigues ne l'avait quasiment pas connu. Il avait cependant bénéficié de l'attention maternelle, et en guise de père, il s'était trouvé des substituts, par exemple De Gaulle qu'il avait décidé d'admirer dès son plus jeune âge ; à onze ans, il était parvenu à lire ses Mémoires, ce qui fut sa grande fierté. Au lycée, Gilles Artigues continuait de surprendre avec cette capacité à connaître les choses de façon instinctive, avant même qu'on les lui enseignât. Il fut particulièrement brillant en philosophie, et comme le reste l'ennuyait, il lu Machiavel, ce qui devait le pousser sans doute, plus tard, à se lancer dans la politique, qu'il ne considéra toutefois jamais avec l'estime que l'on peut attendre d'un véritable républicain ; mais ces choses-là lui semblaient guère sérieuses. Ce qu'il rêvait, c'était d'un destin à la De Gaulle, mais il avait noté, non sans pessimisme – car il avait lu Schopenhauer aussi - que la grandeur n'était plus possible dans la nation française, ni même partout ailleurs, c'était là le malheur de notre triste époque.

     Au lycée, il tomba amoureux d'une jeune fille, très belle, très élégante, et ravissante aussi ; et cependant il y renonça très vite, non qu'il fut défaitiste en amour, mais c'est que son destin semblait l'appeler, et que sa mission lui apparaissait peut-être, claire et terrible ; mais enfin tout ceci reste une énigme car sa décision fut tout à fait radicale, tout à fait brutale, inexprimable.

     C'est qu'en ce temps-là, il avait décidé, définitivement, de faire de la politique, et tout le reste n'était qu'inconsistance. Ce n'est pas qu'il avait perdu de cette sincérité dont nous parlions tout à l'heure, et qui semblait si enfantine, mais c'était plutôt comme un coup de tête soudain, qui ne pouvait qu'aboutir ; car c'était non seulement la seule voie qu'il envisageait, mais l'élection récente de Nicolas Sarkozy l'avait encore engagé à la suivre plus sérieusement. C'est cela en fait qui déclencha tout. Les élections de cette année-ci, c'était en 2007 ou en 2008, et Gilles Artigues les suivit ardemment. Quoiqu'encore, il fut davantage exalté après que le président ait été élu. Le jeune homme qui avait commencé des études en philosophie, et qui était arrivé à Lyon, s'était parallèlement épris de la ville. D'ordinaire il pleurait quand il songeait à la forme de cette ville immense et sublime. Mais Paris aussi le faisait pleurer ; il savait bien que c'était là-haut que se trouvait l'accomplissement de son existence. Quoique.

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F
Je ne connaissais pas toute ton histoire...
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