3 - Sa bouche

Publié le par Lukaleo

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  Je te vois, je te regarde, je t’observe. Ta bouche est comme les quartiers ruisselants d’une clémentine charnue, tel les flancs abreuvés d’une colline après un orage d’été. Deux lèvres aussi pulpeuses que les feuilles regorgées d’un arbrisseau au mois de mai : arrondies et liquoreuses, roses et écarlates, finement plissées comme la peau d’un nouveau-nez rieur à peine sortit de l’eau. Deux lèvres qui à la façon de deux nuages épures, s’avancent vers moi, en se superposant longuement l‘une sur l‘autre, s’élançant d’un bout à l’autre du ciel radieux que forge ton visage en esquissant de concert des circonvolutions irrégulières.

     Celle du haut est plus grande que celle du bas, plus courbe et majestueuse, et c’est comme une petite chaîne de montagne dont on découvre le sommet : tes Carpates orales, tes Alpes buccales, tes Pyrénées verbales, ont deux sommets principaux, qui culminent haut dans le ciel, et entre lesquels se creusent comme un gouffre, dessinant l’expression distinguée d’une vague près d’une plage sablonneuse.

       Ta babine du bas est elle, bien différente, plus petite, presque ombragée par l’autre, et dessine au sud de ton visage comme une vallée profonde qui s’enfoncerait dans la terre opaque de ton début de menton, comme le bas d’un sein nu, comme les méandres des rides d’un œil fatigué, et cela tandis que les frontières voluptueuses de ses deux lèvres ne font qu’un ensemble souriant, qui s’achève par deux commissures aussi craquantes qu’éloignées l’une de l’autre.

       Fermée, ta bouche forme en sa médiane centrale une route de montagne sinueuse, une ruisseau printanier ondoyant, une veine de vieillard grisonnant, mais parfois, cette frontière humectée s’ouvrent bien grand, formant comme un O de surprise, laissant en elle la lumière pénétrer profondément, illuminant avec grande dureté les dents immaculées qui brillent comme des étoiles dans la voie lactée de ta cavité buccale humidifié. Elles sont comme les vitres d’une voiture garée dehors en été, comme la lentilles d’une loupe sous un rayon de soleil, comme le verre d’une montre mécanique éclairé par un lampadaire, elles brillent si fort qu’on ne distingue plus qu’un amas éblouissant de lumière, étoile des dentistes, comètes des stomatologues, et astres des berchus de toutes les espèces. Oh comme je les aime ces dents si bien alignés, et qui cachent comme une muraille d’ivoire à double tranchant une langue complexe.

       Ta langue, ce muscle si sensuel et puissant à la fois, tout droit sortit des baveux bas-fonds de ta bouche et qui semble s’élever vers le palais comme un oiseau gauche et funeste qui s’envolent, si belle, elle aussi, luisant sous la lumière en des petits points rugueux qui peuplent sa surface écumeuse, et qui s’en va rencontrer l’une de ses condisciples, qui en un baiser très français, s’en va lui dire, que : je t’aime.

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