Fafouette : Trentième - Le cas Johnny

Publié le par Jovialovitch

      Bien sûr, Johnny Hallyday. Evidement. Je suis bien d’accord. Johnny. Eh oui. Naturellement. Mais que voulez-vous ? Moi, sur Johnny, mes chers ouilles dévergondées, j’ai comme qui dirait un avis. Certes, notre Jean-Philippe national est loin de n’être qu’une pâle imitation d’Elvis Presley. Incontestablement, au fil des années, que dis-je, des décennies, il a su s’éloigner de ce lourd père spirituel, pour devenir un chanteur à part entière, traversant allègrement les genres musicaux, les modes et toutes ces sortes de choses éphémères et omniprésentes qui font le piquant pascalien de l’existence humaine. Aussi, en plus d’être mystérieusement vacciné contre la ringardise, force est de reconnaître que Johnny est rentré dans notre habitus aristotélique, qu’il s’est intégré dans notre Sur-moi à tous en s’incorporant dans notre héritage culturel collectif le plus profond. Et ce n’est tout de même pas rien. Rares sont les artistes qui en sont arrivé là, surtout avec ce genre de dégaine phosphorescentes et ces vies hautement mouvementées.

       Pourtant, si vous parler de Johnny Hallyday a un portugais, à un suédois, à un américain ou à un togolais, vous n’aurez qu’une réponse : « Connais pas ! » Car voilà l’effrayant hiatus : il n’y a que trois pays dans lesquels Hallyday est célèbre : la France, la Belgique et la Suisse (principalement à Gstaad). Voilà qui est moins reluisant. Bon, ça ne l’a pas empêché de vendre plus de 100 millions de disques, mais tout de même, la « Star », sitôt qu’on passe le Rhin, les Pyrénées la Manche ou les Alpes, c’est un vulgaire inconnu, qui comble de déchéance, ne m’est plus des lunettes de soleil pour y dissimuler son encombrante célébrité, mais seulement pour se protéger du soleil. En cela, Johnny est souvent surnommé, notamment aux Etats-Unis, la « plus grande star que vous ne connaissez pas ». Car c’est une star exceptionnelle, que tout le monde ignore.

        Au-delà de la légitime révolte que cet insoutenable état de fait doit vous inspirer, tentons objectivement d’en tirer un enseignement profond. Ayons une vision historique et analytique du phénomène Hallyday : en somme, Johnny, c’est une sorte d’incarnation rockeuse de la France. Il est, involontairement, la France. Oui, parfaitement ! D’abord, il y a la grandeur, immense, sublime : voix grave, tournées immenses, carrière longue d’un demi-siècle, popularité infranchissable, sosies par milliers, le tout égayé de textes admirables qui ont fait vibrer un peuple tout  entier, sous la rimbaldienne bénédiction d’une poésie parfois remarquable et de qualités musicales réputées, que subliment une diversité de genres et d’albums exceptionnels quand on compte aussi ses films, dans lesquels se déploie son immense talent d’acteur shakespearien. Que dire ? C’est napoléonien ! « La France n’est pas la France sans la grandeur ! », or là, c’est grand, c’est fort. Pourtant, Johnny, c’est aussi français en ce sens que ça n’est pas (plus) international. C’est renfermé sur soi. Ca ne brille plus sur l’humanité. Ce ne rayonne plus par-delà les montagnes. C’est français car c’est connu par les français, qu’il y de l’inspiration française là-dedans, que s’expriment dans son œuvre la culture française et que, tout simplement, une certaine beauté s’y trouve. Mais c’est français, parce que c’est copié sur les anglo-saxons, et que ça ne parvient plus à se dépasser soi-même. Voilà. La semaine prochaine : Nietzsche contre Johnny...

Publié dans Fafouette enseigne

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C
Bloqué à la date du 18 juin ?<br /> Serait-ce l'appel du Bac ?
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