Journal d’une journée d’un appelé à la défense meurtri

Publié le par Lukaleo

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            Une larme d’émotion perlait sur mon visage fier et digne, lorsque par ce matin, mon réveil averti le citoyen que je suis qu’il était venu le jour où enfin, j’allai goûter à la ferveur, à la passion, au sentiment profond de l'estime patriotique et du courage exaltant celui-ci. C’est ainsi, que, majestueusement, je m’en allais vers ce qui allait constituer le début d’une vie guidé par l’amour de ma patrie et des valeurs qui m’allaient être transmises. Je me retrouvais dans une petite pièce cloisonnée où là, stupeur et tremblements, mon visage noble et somptueux devint vite rouge et honteux, lorsque par une chaloupe de cervicales, mes yeux buttèrent sur une omniprésence féminine dans ces lieux pourtant d’honneur et de puissance. On nous invita ensuite dans une salle qui n’avait rien d’une caserne militaire, pas même un drapeaux français ou un buste à l’effigie de notre chère Marianne venait orner les murs de cette pièce dont la morosité s’en ressentait indubitablement. C’est alors qu’apparu, par delà même toute prévision, un ivrogne, rouge du nez, blanc du cuir chevelu, yeux dilatés et étincelants par l’excès de Ricard, et tout de bleu vêtu dont les inscriptions annonçaient la suite : Gendarmerie nationale. L’homme en question, tout juste quinquagénaire à qui déjà je paye une retraite, s’en venu nous causer de trivialités sur l’Union européenne où autres gardes chiens, qui soit dit en passant m’indiffère au moins jusqu’aux confins du drame. Son collègue, trapu, au visage vif et enjoué, plein de fougue et d’espoir se présenta guilleret dans la salle rempli d’illettrés et d’analphabétisme. Peu avantagé par un faciès qui n’était pas s’en rappeler celui du Président américain, il bénéficiait toutefois d’une capacité de réflexion plus aiguisée que celui-ci quoique bien limitée.

            Ne reculant pas sous le plus serviles procédés issus directement de l’enseignement en plein déclin, le frère caché de Georges W.Bush n’était pas dénué d’une certaine sympathie et d’un humour, ma foi, fort limité, tandis que mon impatience n’en pouvait plus de patienter quant à ces attentes qui m’habitaient ; le sympathique, disais-je donc avant de m’emporter sur les pentes allègres de mon enthousiasme démesuré, nous fit inscrire sur un papier composé de bulles directement inspirées des phylactères propres au 9ème art, des mots que nous inspiraient cette journée placée sous le signe de la fierté nationale. Je sombrai dans une profonde consternation face à la bassesse de ces pratiques dont l’abjection n’a d’égale que l’inutilité dont elles sont la preuve irréfutable. 

            A la suite de cette petite distraction qui suscitait l’amusement infâmant de mes compatriotes présents dans l’ignominieuse salle, on nous diffusa une sorte de diaporama dont l’objectif était de lancer des débats (permettez moi de pouffer une seconde, merci), susciter des vocations (j’en glousse encore) et d’élucider un certain nombres de mystères sur des sujets aussi variés que méprisables tels la citoyenneté européenne ou les métiers de la Défense où y’a que des gonzesses qui y sont ! Mais à cet instant, je ne mesurai pas l’ampleur du drame qui se profilait, et de l’insulte qu’on proférait sous mes yeux aveuglés par mes propres perspectives. Toujours est-il qu’au bout d’un certain temps, on nous convia à un petit déjeuner ma foi fort acceptable mais peut-être dispensable à la glorification de la hauteur de la France (pensai-je en mon fort intérieur). C’est en tout cas ce que je pensais en mon fort intérieur lorsque on me mit dans les mains, sans bien comprendre ce qui m’arrivait, un sachet huileux sur lequel je lus, horrifié de panique : Quick ! Mon cœur manquait s’arrêter, tout autour de moi devint trouble et de dérobait, mon choc fut sec, soudain et sans voix. En vérité, l’injure absolue qu’on avait l’outrecuidance de me faire en cette honorable occasion me blessa bien plus que la haine qui m’habitait. Fort heureusement, une poubelle me soulagea de ce fardeau qui me momifiait littéralement. Mon mépris ne se fit alors que plus grand à la vue de ces molles gouapes acnéiques, béates de bonheur en tenant ce sachet qui les portaient proche de la jouissance totale, nourrissant un peu plus leur stupidité et leur graisse dégoulinante de mésestime de cette gastronomie dont je fais l’éloge. Mais l'outrage ne faisait que commencer. 

            De retour dans nos locaux d’écoliers, une femme, pull rouge, pantalon noir, imprégner de l’accent auvergnat, nous fit remplir sans la moindre honte, des feuilles où l’on nous demandait de dire si les mots inscrit existent où non, suite à quoi l’on devait répondre à des questions sur un texte que même un fœtus où un cadavre en décomposition comprendrait. A cet instant, je compris la supercherie, tout ceci n’était qu’illusion barbare et foutage de gueule profond ; à défaut de nous parler de discipline ou de code d’honneur, on nous faisait faire des exercices de maternelle et entendre des micros-trotoirs de jeunes cons sans la moindre réflexion qui n’étaient pas sans me couler dans l’opprobre de leur superficialité et de leur inexistant contenu.

            La suite des événements mérite-elle d’être relatée ? Le repas, lorsque le soleil atteint le zénith, se composât de frites aussi visqueuses que les mucosités brillantes qu’on impute aux limaces et d’un hamburger dont la simple écriture me renvoie à la ténébreuse vision de cet entassement de sauces dégoulinantes au goût de chiotte et de viande avariée dissimulée derrière une surcharge de ketchup jaune et de mayonnaise verte.

            Résistant tant bien que mal à l’ignominie fallacieuse, on nous enseigna ensuite les soins de premiers secours, qui n’ont par ailleurs aucuns liens avec l’Armée, mais bon, de toute façon on réfléchit pas là-bas. Enfin, on nous fit écouter l’Ode à la Joie sans même citer et entonner généreusement La Marseillaise, puis, summum de la bévue, on nous fit remplir des fiches de sondages destinées à évaluer cette journée si il est possible de la désigner ainsi. Enfin, comble de l’injure publique et du crime contre la dignité humaine, on me délivra un diplôme avec lequel je m’empressasse de me torcher avant de prendre la fuite. Je suis un déserteur ! Ahahaha...

Publié dans Journaux intimes

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