Philosophie de Robert A. III

Publié le par Jovialovitch

 

     Le Jovial ! Pour parvenir à dire ce que fut pour Robert A. que cet état indéfinissable, nous profiterons de ce qu'il est une expérience du Jovial et des quelques notes de Robert A. que nous avons pu recueillir à ce sujet. Le Jovial est donc essentiellement un Jovial vécu ; il est un état de profonde ivresse qui s'exprime par une force, une puissance que l'on sent croître en soi, et qui nous fait croire à un contrôle du monde et des choses, et ce par le paradoxe d'une non-maîtrise de soi ! Cette situation d'excitation est, on peut le dire, une joie, mais une joie, une excitation qui est excitée par elle-même. Elle est un bien-être aussi, qui n'est étrangement, pas un repos, une paix perpétuelle, ni un délassement, c'est une félicité vive, qui ne se laisse pas aller, une joie sérieuse ! Voilà un peu ce que produit cette bénédiction Jovial, telle que Robert A. l'éprouvait parfois et la vivait dans une acceptation totale de cette force mystérieuse qui soufflait en lui, un vent sublime, dévastateur mais extraordinairement délectable et qui s'emportait littéralement avec des moments de grande jouissance, et véritablement d'un sentiment de plénitude auquel il ne faisait rien défaut.

     Voyons à présent l'origine de ce souffle Jovial, car Robert A. signalait que l'expérience Jovial ne pouvait être permanente et qu'elle pouvait laisser fatalement sur une déception, une frustration, mais nous verrons cela ensuite. Ainsi donc, l'étincelle qui vient déclencher le Jovial, cette brèche qui vient percer le barrage jusqu'à le détruire entièrement, cette origine n'est pas exactement volontaire. Elle semble une croissance qui s'effectue en nous, de manière plus ou moins intense, dont ensuite on prend conscience. Elle est en somme, instinctive, d'une volonté qui est inconsciente dans le sens où elle ne nous parvient pas immédiatement à la conscience et qu'elle nous apparait que lorsque elle se manifeste.

     Il apparaît d'autre part que lorsque elle se manifeste, c'est souvent à la suite d'une contrainte qui nous impose un tel comportement que lorsqu'on l'ôte, l'on sent se sent libéré. C'est un petit peu, pour rester grossier, la Renaissance qui nait de ce que on l'arrache au Moyen-Age, ou encore plus significatif, la Libération ; c'est un moment qui semble un oubli de soi où par ailleurs l'on perd notre lucidité, et tombons dans l'illusion d'un avenir nouveau, luisant, et reluisant. Seulement cela est cécité ; c'est un petit peu comme si l'on se réjouissait immodérément de la découverte d'un médicament contre le Sida, cela serait absurde car l'on pourrait encore mourir d'autre chose dont on n'a pas encore découvert le remède ; et tant bien même serions-nous vacciné contre toutes les maladies existantes et imaginables, il en resterait toujours une, incurable, et dont on ne pourrait guère que reculer l'échéance, mais pas la coup fatal : la mort. Mais trêve de schopenhauerisme, le Jovial n'est pas une joie, une force qui nait en nous dont la cause serait un désir satisfait. Il n'en n'est rien car le Jovial se placerait plutôt dans la logique d'un Gai savoir, avec tout ce qui résonne à ces mots, de tragique derrière l'apparat gai et dansant. Pour le dire autrement, le Jovial serait cette force première aristotélicienne qui se pense elle-même et d'où découle de la joie.

     C'est en ces termes pas tout à fait concis que Robert A. envisageait le Jovial. Mais il demeure néanmoins un problème qui était celui annoncé précédemment, la question de la permanence et de la durée de l'état Jovial. Car il est clair que le Jovial épuise ; et qu'au fur et à mesure qu'il croît, il tend à cesser. Il nous appartient donc à nous de le prolonger, de l'entretenir, de le maîtriser bien qu'on le puisse apparenter à une pulsion et derechef, à une autorité incontrôlable.

Mais l'aspect qui intéressait surtout Robert A., c'était cette sensation de maîtrise du monde et des choses qui véritablement était en rupture avec la philosophie absurde du XXème siècle. Quand on se demandait où il fallait commencer, où finir et à quoi bon continuer, Robert A. aurait pu répondre avec une once de mépris : « Un peu de jovialité, bordel de merde ! »

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Amitiés d’un petit poète qui s’enquiert de toute lumière…et vous convie au partage des émotions…
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