Vie de Robert A. III

Publié le par Jovialovitch


 

     La première fois où il se rendit dans le midi, Robert était un jeune homme parisien, certes qui rêvait, d'une manière bien romanesque d'ailleurs, de l'Italie, de Venise, de Parme, de Turin, mais aussi des Alpes, et enfin de la Méditerranée, mais néanmoins et avant toute chose, préférait-il son existence dans la capitale qu'il se refusait à quitter. Ses parents le contraignirent à les suivre dans leur séjour dans le sud, avant qu'il ne s'y résout et accepte finalement. Et ce fut un bouleversement lorsqu'il vit d'abord, sentit ensuite, goutât encore, cette région provençale dans laquelle il entrait interdit, cela le bouleversa, et il demeura malade ; il dut resté au lit durant toute la villégiature écourtée d'ailleurs par ses parents placés devant l'état inquiétant, alarmant, de leur fils qui n'avait quitté le lit. Ceux-ci n'avaient pourtant pas pris immédiatement au sérieux les spasmes et les plaintes de leur fils qu'ils croyaient toujours indocile et dans un refus radical d'estimer la magnifique Provence. En vérité Robert fut surpris par le cataclysme de beauté dont il fut la victime ; ce ne fut même pas le climat, ce fut beaucoup plus : le pays même lui apparaissait comme un monde de roman, c'est à dire d'une beauté, d'une puissance, d'une ampleur, par dix fois multipliée ; au moment où il découvrait cette région, il s'était lié à elle, comme aurait dit Holderlïn, d'un lien mortel. Quand il fut de retour à Paris, il garda le lit encore deux semaines, ce qui convaincu définitivement ses parents de la réalité de sa maladie, puis retrouva finalement ses forces ; et ce regain lui fit décider de partir vivre définitivement en Méditerranée. Il y eut une stupeur et une inquiétude folle chez les parents qui voulurent empêcher leur fils, qu'ils voyaient déjà mort et enterré, de partir dans un lieu où sa vie ne pouvait concorder avec l'ambiance, le milieu.

     Robert A. arriva malgré cela au petit matin et ne ressentit qu'une immense tension ; son cœur battait violemment, il était ému aux larmes par cette arrivée fébrile ; il était seul et cela ajoutait à son émotion. Il ressentit le mistral, ce vent admirable qui soufflait et le faisait respirer, et il se sentit si bien qu'il s'étonna bien vite d'avoir été si malade la première fois. Immédiatement il se fit une idée tragique de ce pays si à part de la France ; il voyait la joie la plus légère côtoyant le drame et la mort ; il y avait de l'Italie, mais aussi une couleur espagnole, et une teinte africaine, il y avait un relief pré-alpin et antique : saillant et caillouteux, sémillant et sec. Il avait l'impression d'être dans un endroit immémorial, un temple millénaire, d'un autre temps, dans la vigne de la Grèce, dans l'architecture romaine ; cette effusion le rendait à la fois heureux et fragile, car ce bonheur semblait ne tenir à rien.

     Là, il vécut dans la plus grande solitude et dans une contemplation permanente. Il aimait surtout les matins, la fraicheur qui se dissipait, il flânait sous le soleil qui prodiguait ses rayons encore dans le calme et le silence. Il marchait sur un chemin qui offrait une vue superbe, il écrivait à son retour, et prenait son petit-déjeuner, dehors ; quand le vent s'éveillait, par la suite, il allait marcher longuement à travers les raidillons escarpés du relief orné par la garrigue, et il rentrait déjeuner. L'après-midi était une vaste détente, il lisait principalement ; en fin d'après-midi, il écrivait et le soir, il sortait de sa solitude et se rendait dans la ville où il assistait au couché de soleil et à la vie nocturne débutante. Ces soirées étaient profondément mélancoliques, et nostalgiques ; il marchait le long de la mer, et il était cerné par les deux infinis, du ciel et de a mer, où brillait aussi les étoiles des phares scintillants. Mais la mélancolie ne dura qu'un temps car Robert allait mettre fin à sa solitude, il rencontra Noémie, une jeune anglaise !

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