Journal de Diogène de Sinope

Publié le par Jovialovitch

         Y’a vraiment des emmerdeurs. Des types, comme ça, qui sont là rien que pour vous faire chier. Des raseurs devant l’éternel. C’est stupéfiant. Une honte. Ah… ces cons-là, je les supporte plus ! Tiens !... l’exemple, rien qu’aujourd’hui ! Bing ! Là, y’a pas une heure, là : un emmerdeur ! Mais alors un beau !... un grand ! Un puissant ! Un maître ! Pur sucre ! De la crème ! Vrai de vrai, sacré nom d’un chien ! Bon, alors moi, comme à mon habitude, j’étais tranquille en train de me branlocher la pine frétillonne dedans mon gourbi pourri crasseux crotté. Faut dire, y’avait un temps sublime, vraiment, quelle extase ! Un bien beau soleil, chaud et doux comme une jeune fille ! Ca chantait joyeux en haut des arbres fleuris, comme sur le podium de Platon, et y’avait, mine de rien, un petit vent frais qui glissait sur la peau tel un long fleuve calme et serein dans les plaines de Thessalie. C’est pour te dire un peu. Moi, là tu vois, j’étais heureux comme tout. Comme un chien. J’en vibrai. Tout content. Rien à dire. Pas à se plaindre. Impeccable : y’a pas mieux que l’accorte alcôve d’une lascive après-midi macédonienne pour atteindre la vertu ; tu peux me croire. Toujours est-il que là, tout d’un coup, alors que j’étais peinard, je vois se trémousser au loin, tout zigoto, clinquant comme une pièce d’or (pouah !), une sorte de grand clampin tout clinquant de grandiloquence dorée. Il brasille, l’éblouissant, tout flamboyant sous sa grosse combinaison ; il s’avance vers moi, l’animal ! Ah, ça vous en ferait mal aux yeux, tout ce chatoyant ! On n’a pas idée ! Il abuse, le phosphorescent, y’a pas d’autres mots ! J’en pleure ! J’y vois plus ! Sacré nom d’un chien, Il scintille, le gros militaire pompeux tout vernis verveux ! Il pétille tout seul sous les rayons du soleil, rutilant tout plein ! Ah, le florissant fringant, il est tout près maintenant ! Eh oui, c’est bien ça : c’est un militaire ! Quelle nitescence, un monde : un dorique, le bonhomme ! C’est une torche humaine ou quoi ? Et puis non, il n’embrase pas, l’est tout sec, comme il faut ! Ben merde : il a une grosse cape vermeille dans son dos, des épaulières en argent, une cuirasse en or, toute décorée d’or coruscant en motif sculptés tout pompeux, une jupette miroitante au possible qui flotte dans le vent comme le slip à Dionysos, des sandalettes sublimes, orfèvrerie pour pieds de sang bleus, et puis alors, le clou du spectacle, le cerise sur le gâteau, un casque ! Quel bassinet, nom d’un chien ! La plus grasseyante bourguignotte du monde ! Ca chante rien que pour les yeux, c’est un soleil à lui tout seul ce bicoquet ! Avec une plume, en plus, longue, qui siffle dedans l’air, qui s’élance vers les nuages comme le museau d'un clebs ! Hop, il se pose, là, tout devant moi. Il me regarde de haut, il baisse la tête, il a l’air de me connaître !... je me lève pas. Pas un geste ! « Je suis un Alexandre ! » qu’il me dit, le type. C’est dont ça ! Le voilà, le grand, le maître du monde ! Le conquérant ! Le militaire ! Il recommence le tribun : « Que veux-tu, Diogène ?... qu’il me demande. Dis-le moi, et tu l’auras ! » Ah ben c’est la meilleur, j’en suis sur le cul, penaud abasourdi au possible ! Ce que je veux ! Ce que je veux ? « Ôtes-toi de mon soleil !... que je lui répond, bigrement ! Je suis citoyen du monde ! » Boum, prends ça dans ta tronche l’achéménide ! Ah ! Il en est tout retourné ! Sur la panse, le bon roi ! Et n’empêche, il tient parole, l’énervé ! Hop, le voilà qui recule, et qui s’en va ! Et moi, j’ai de nouveau mon soleil ! Tout chaud, tout pareil qu’avant ! Je suis bien content, mais alors, un peu plus, et l’autre histrion, il m'empêchait de bronzer !...

Publié dans Journaux intimes

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