6 - Ses Joues

Publié le par Lukaleo

joue.jpg       Je te vois, je te regarde, je t’observe. Tes joues, longues et lisses comme du coton brutal, recouvrent aux yeux du monde ta sombre cavité buccale, et comme les terres étendues d’un empire inattendu ou le fébrile horizon d’un plat-pays wallon, elles s’étendent longuement de la base d’argile de ton visage jusqu’en haut de ton front futile, de ton nez et de ta bouche jusqu’à tes oreilles farouches. C’est un territoire sans fin qui touche plusieurs mers, plusieurs terres où d’un bout à l’autre, l’heure n’est jamais la même et où le soleil ne se couche d’un côté que pour se lever de l’autre. Ce sont comme d’immense désert, plat et lustré tel un Sahara plus claire, sans dunes, comme la surface de la lune, sans cratère. Ce sont de grandes clairières, claires et fiers, où s‘esquissent le talus mafflu que forme tes joues joufflues, et sur lesquelles se posent avec douceur, les rayons flous d’un soleil inquisiteur. C’est une plaine boursouflée, un ballon prêt à exploser, un crâne qu’on vient de rasé, c’est comme les étendues blanches et sans fin que traversent des pionniers du froid en direction des pôles, c’est comme la sensation chaude d’une main de mère posée sur son épaule, c’est comme le chant mélodieux des chœurs lorsqu’il soupire des notes sans chaleur.

      Suspendues en l’air comme des tapisseries moyenâgeuses, elles sont des barrages anciens et solides. Sur elles, très proches, crépitent parcimonieusement comme de petites flammes, d’infimes poils de velours blancs qui illuminent comme des bougies moribondes tes joues à la texture furibonde. Il y a au centre même de cette gigantesque étendue de chair, comme un trou, comme l’évocation fébrile d’une lac d‘hiver, un relief vaseux seul et solitaire, comme un creux dans la terre que les hommes ou le temps auraient creusés à la façon de la foudre sévère, qui frappe parfois le sol comme un météore lunaire, tombé du ciel avec le bruit et la fureur d’un sanglant millénaire. Ce sont tes craquantes pommettes, cerise sur la gâteau appétissant qu’est ton visage ragoûtant, ces deux creux accorts croqués sur ta peau par les plaques tectoniques de ta physionomie mirifique, déplacées par tes sismiques sourire, et des volcaniques désirs. Je voudrai palper de mes mains agiles ces joues, qui sont pour moi comme des coussins fins, comme des couettes de couennes, comme des poufs de plouf

        J’aimerai te raconter mon enfance malheureuse, mes angoisses désastreuses, pour que de tes yeux bleus perlent des larmes sans fins, qui couleraient comme des rivières vont la plaines sur tes joues, qui deviendraient dès lors la vallée de ta tristesse, comme ton menton serait l’estuaire de ton malheur, là où tes sanglots humides quitterait la terre de ton faciès, pour se perdrent dans l’écho de leurs chute. J’aimerai user sur toi des restes ankylosés de mon humour potaches, pour que tes lèvres forment le U d’un sourire, et pour que tes dents brillantes comme la pupille de ton regard puissent sortir, et laissent pour toujours partir le phonème exultant d’un rire, qui déformerait comme un Hadès surgissant des enfers, tes joues si compacts et glabres, en dessinant sur elles les joyeuses souillures de rides de bonheur. De tout cela, que pourrais-je le faire ? Je me contenterai mollement de déposer sur ta joue droite archange maudit mes lèvres fatiguées, qui en attendant ton autre joue, formeront un baiser aquilin, qui comme un nuage touchant les montagnes ou la brume recouvrant la forêt, voudra te dire que : Je t’aime.

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