Journal d'entre-volute

Publié le par Jovialovitch


      Je m’étais endormi. Et il me semble que j’ai rêvé. Enfin je ne sais plus… et puis ça n’a aucune importance. Sortant de je ne sais plus où, marchant comme on marche quand le sommeil marche à notre place, j’allais dans ma cuisine : il était midi, peut-être même plus tard ; j’avais faim. J’hésitais entre du maïs transgénique et un bon poulet aux hormones ; j’optais sans doute pour le maïs – nous n’étions pas dimanche.

      Or, à cet instant, j’entendis comme un bruit… enfin plutôt une présence : il y avait quelqu’un chez moi ! Et puis, je sentis comme une odeur. Une odeur étrange… infecte et irrespirable. Une odeur de brûlé ! J’accourais, je m’approchais… ça venait du salon ! J’y entrais… Et soudain, des lames de fumées entrèrent dans mes pupilles, et me transpercèrent les yeux, et j’hurlais de douleur, mais mes poumons ne faisaient plus que tousser ; je m’effondrais d’angoisse et de brûlures. L’air ambiant m’était hostile.

       Ensuite, je ne me rappelle plus de rien, et la suite, je ne sais ce que c’est… je ne sais qu’en penser. Je crois qu’il y avait du noir et une sorte de sommeil plus lourd que la lourdeur. Je crois qu’un mal de crâne puissant comme une bombe atomique a déchiré ce sommeil, et que je me suis réveillé. Comme dans un appareil photo numérique nippon qui cogite, ma vue ne voyait plus que le flou qui allait et venait. Comme les vague. Comme un yoyo. Mais par à coups, quand c’était net, je crois qu’il y avait devant moi, une femme, enfin, une sorte de fille ; une enfant, peut-être, mais de dix ans de plus que les autres enfants. Elle avait l’air amusé. Il me semble qu’elle était belle. « Ça va ? » qu’elle me demandait. Je me relevais. Il y avait encore de la fumée, partout autour de moi. Ça me brûlait atrocement dans les narines ; j’en éternuais de douleur. « Qu’est-ce qui t’es arrivé ? » Je me redressais complètement. Je la regardais. Je voyais ses grands yeux, et ses cheveux châtains, très lisses, presque roux. Je voyais de plus en plus clair. Elle était grande, et très fine, d’une minceur exquise. Elle avait une très belle bouche, et des yeux immensément bleus. Alors je respirais de nouveau normalement. Et mon dieu, j’étais pris tout entier d’émotion, devant cette belle personne… Ses lèvres rosacées de rouge à lèvres embrassaient le bout d’une cigarette, qui s’élançait d’entre ses doigts, et s’envolait dans l’air en volutes éthérées. J’aimais son visage, que pâmait la fumée bleue ; les traînées brumeuses qui s’exhalaient de sa bouche, quand elle donnait au silence le son d’un de ses soupirs. Et parfois, après avoir sensuellement inspiré la liqueur fumante de son mégot, voici que, comme dans les râles du plaisir, elle ouvrait la bouche toute entière (en fermant les yeux de même) et c’était tout un nuage blanc qui naissait d’entre ses dents, pour monter au ciel en silence. Sa gestuelle, à cette dame, était si belle, si pure, que je croyais voir une danseuse ; je frissonnais de voir les sculptures mouvantes qui naissaient autour d’elle. Si bien d’ailleurs, que je ne me rendait pas compte, mon dieu, que cette femme : « était en train de fumer ! »

          Revenant à la raison, je lui dis que c’est interdit depuis le décret présidentiel de juillet 2038 de fumer ! Le tabac, c’est une substance prohibée ; je risque gros moi ! Il y a des détecteurs de partout ! Je suis foutu… et puis, avec le tabagisme passif, je vais crever dans les trois jours qui suivent. Elle pouffa, la fille. Elle riait de bon cœur. Avec sa cigarette, mon Dieu, sa belle cigarette. Elle me répondit simplement : « Arrête de délirer, beau blond… Je vais te remonter le moral »… Alors, et j’en tremble encore rien que de revoir cette image dans ma mémoire : elle sortit de derrière elle, une horrible, une atroce, une ignoble : bouteille de Whisky ! D’émotion, je tombai comme tombe un corps mort…

Publié dans Journaux intimes

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P
ouaiiiiiiiiis! je l'aime bien celui-là aussi! même si la chute (haha!) me sembl'un peu trop pinchardienne, dantesque... restez joviaux que diantre!
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