Les Carnets du dictateur, les chroniques de la voute plantaire

Publié le par Jovialovitch

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4 de mars

 

            Une semaine que je somnole dans mon lit reposant ma voûte épuisée et encore douloureuse. On m’apporte à bouffer et de quoi boire, on vient me voir pour les affaires politiques mais je crois que je ne comprends plus grand choses à ces trucs là. Sinon on me dit que tout va bien et que les gens sont heureux. C’est le principal. On me dit aussi que nos camps de concentration tournent à plein régime et que la productivité atteint son paroxysme. C’est le principal. Par contre notre population a diminué de moitié en l’espace de quelques mois ; il faudrait peut-être réagir pensais-je.

            Cette semaine fut à la fois pauvre en événement et peut-être la plus importante de toute mon existence. En effet, j’ai assisté à la décomposition d’un corps. Etonnant non ? Voilà qui me donne encore des frissons. Il s’agit bien entendu de mon Monomaniaque qui n’a pas bougé depuis l’effondrement dont il a été victime et mon mal plantaire parallèle. Plusieurs fois je lui ai parlé, je lui ai raconté des histoires tandis que sa chair se perdait peu à peu. Bien qu’étant repoussé par l’idée de la mort, j’éprouvais un sentiment étrange de connivence. Peut-être d’attirance. Peut-être de tentation envers ce cadavre. Bizaremment je crois que je désirais cette dépouille. J’y étais attaché comme la laisse est attachée au chien (où l’inverse je sais plus), ou comme l’homme est attaché à la laisse du chien. Ou plutôt comme le chien est attaché à la laisse de l’home (je sais plus). Bref, je succombai aux charmes de l’entité cadavérique. Ce n’était pas temps un attrait physique plutôt qu’une attraction spirituelle. Ce qui me plait chez lui, c’est ce que j’imagine.

            Mes rêves les plus fous sont voués à son être, et au réveil, je verse des larmes de nostalgie, constatant avec effroi, davantage sa perdition. Et ceci renforce mon amour éploré pour cette créature que j’aime. J’ai bien tenté de un soir où la convulsion m’avait mener jusqu’aux désirs les plus obsédant, mais hélas le rejoindre, mes dessous de pieds me firent un tel mal qu’à peine posés par terre, je dus l’en les retirer. J’étais donc contraint à la contemplation, triste, froide et crépusculaire de ce va-nu-pieds qui vécut, qui de sa chambre m’observai et vint me dire sa passion spasmodique. Je devais lui parler, je voyais ça comme un impératif, j’avais dans la tête la certitude qu’il m’écoutait. « Je t’aime, tu sais » lui disais-je dans sa lente métamorphose. « Revenez à la raison enfin, ne faites pas l’idiot ! Vous êtes tout recourbé là ! Non mais regardez-vous un peu ! On dirait un chien dépouillé ! Allez, venez prendre une douche !» Malgré mon insistance, il ne répondait pas.

            Le dernier jour, quand je me réveillai tout frémissant sous mes draps de velours, je ne le vis point. Il n’était plus à sa place. Je ne parvenais pas à croire telle abjection. Même les morts disparaissent maintenant ! Je me levai. Ou du moins, je rampai sur ma carpette poussiéreuse jusqu’à toucher l’endroit où son corps reposait jadis. Je tâtai, je frappai le sol des mains « Où est-il, sacrebleu ?! » « Où es-tu palsambleu ? » « Répond-moi ! » « Je sais que tu es là ! » « Tu sais que je ne veux pas de mal ! » Je frappai à présent ma tête contre le sol dans un retentissement de larmes. Mes sanglots giclant étaient criards, et j’hurlai : « Fesse-mathieu ! » Mon ministre du budget entra : « Vous m’avez appeler, monsieur le dictateur ? » « Fesse-mathieu ! » répètes-je. Dans un dernier soupir de miséricorde, à nouveau voulais-je geindre : « Fesse-….. » mais m’écroulai. J’étais exactement à la place de mon Monomaniaque et je restai longtemps inconscient. J’allais dépérir moi aussi ! Mais quand je revins à moi, je croyais discerner sur mon lit le Monomaniaque, en chair, parlant : « Il reste du gigot au frigo. » « Oui, je sais !! »

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