Journal du Président de la République

Publié le par Jovialovitch

La-solitude-du-Pr--sident.jpg     Ils sont là…les conseillers, les secrétaires, les copistes, les adjoints, les gardes républicains, les militaires, les agents secrets, les servants, les journalistes, les visiteurs, les ministres et toute la clique… Ils sont là… Et tous autour de moi… Pour eux, je suis le centre du monde… Ils sont là, mais moi, je n’en suis pas moins seul… Je me sens isolé… Je me sens fatigué… Coincé dans mon grand palais… Tout ce que je fais, ça compte… tout ce que je dis, c’est important… Comment ne pas se sentir seul… C’est sur moi, tout ce bordel… C’est sur moi… Je me sens las et affaibli… J’ai beau aller chercher le repos de temps en temps à la Lanterne, rien n’y fait : je ne le trouve plus… Je n’ai plus pour dernier vrai compagnon que le Pouvoir… Et y’a pas pire que lui… Parce qu’il est comme une mélancolie : il est là, on sait qu’on l’a, mais en même temps, on ne s’en rend pas complètement compte… on ne mesure pas… c’est pour ça, que le pouvoir, c’est une tragédie…

      J’ai beau voir des centaines de personne par jour, avoir au téléphone des milliers de types par semaine, causer à des millions de gens par internet, m’exprimer parfois devant des milliards d’individus à la télévision, je suis tout seul ! Une vieille chaussette, que je suis !... Et puis, je suis qui ? Le Président ou la fonction ? Le bonhomme ou le personnage ? A qui ils parlent, tout ces zouaves, quand ils me font du « monsieur le président ? »  Je suis où là-dedans ? Je fais quoi… Plus personne ne me voit comme je suis vraiment… Je ne suis plus qu’un visage décoré de Pouvoir et de Légion d’honneur, avec une clinquante cohorte républicaine dans son sillage présidentiel… Maintenant, j’ai toujours un masque devant la figure… Celui de la Bombe, de l’Armée, de l’Etat, du Peuple… Et même ceux que je connais le mieux et depuis le plus longtemps commencent à ne plus me voir que derrière cette mascarade gaullienne… Même l’amour qu’on me porte sent l’appât du gain et la volonté de puissance… Tout n’est plus que symbole autour de moi, rien ne me semble plus vrai… la pureté m’abandonne peu à peu dans ce somptueux château….

        Au fond, y’en a qu’une, qui sait me regarder dans les yeux, en m’y voir franchement… en dépassant la pantomime exécutive que je constitue malgré moi, et dans laquelle je m’enferme, étouffant, coupé du monde… Et qui c’est ?... C’est l’Histoire… Elle vient me voir, l’Histoire… J’aimerai bien qu’elle se souvienne de moi : au moins, tout cela aurait un sens, une raison d’être… Mon nom serait dans le marbre de la postérité, et je serai bien content… Mais malheureusement, ce n’est pas gagné, qu’elle me dit… l’Histoire… Parce que les temps sont difficiles, que le XXIème, ce ne sera pas celui des épopées à la Napoléon… Et puis elle me dit, comme ça, que je suis pas Talleyrand… que si ça se trouve, le pouvoir ne me réussira pas… que j’ai pas les épaules, et pas la carrure… et puis, que j’ai qu’un quinquennat, et cinq ans, pour elle, l’Histoire, c’est rien du tout… Va donc falloir que je me démène comme un diable pour y arriver, pour que dans quelques années, peut-être même des décennies, elle revienne me voir, et me dise toute fringante, avec à ses côtés, Louis XIV, Bonaparte, de Gaulle et Mitterrand : « Eh Nicolas ! Bienvenue au club ! »

Publié dans Journaux intimes

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D
Rire!<br /> Salut grand maître!<br /> Je suis assez étonnée de lire le journal de Sarko! ainsi toi aussi tu t'y mets? eh ben...lol<br /> <br /> Oui, d'accord pour le journal de Petite Momie, tu penses bien! Quel honneur pour moi.<br /> <br /> Bises.<br /> <br /> D.
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P
Je suis certaine qu'il se dit des trucs comma ça. J'ai beau ne pas l'aimer du tout, j'admet pouvoir soupçonner en lui cette profondeur, et cette solitude...
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