Les Carnets du dictateur, quinzièmes préludes

Publié le par Lukaleo

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2 de novembre

 

            Pas plus tard qu’hier soir, j’ai pris l’initiative de commencer la rédaction d‘un livre, une sorte de roman d’introspection, comme je le définis moi-même, que je compte bien achever assez rapidement étant donné la prodigieuse inspiration qui actuellement stimule ma verve prosodique. Il s’agirait d’un vieux sage qui décide, par un beau matin ensoleillé, alors même qu’il vivait seul, isolé dans une caverne, reclus, loin de toute civilisation, de partir à la conquête des femmes, sujet que j’affectionne tout particulièrement. En voici de premiers extraits : « Lorsqu’il s’aperçut que le temps était venu qu’il fuisse cette solitude qui le plongeait depuis trop longtemps dans les méandres sournois de ses pensées émétiques tellement il les avaient pensé et repensé, il choisit le chemin, il choisit la fuite, il choisit l’aventure, l’inconnu, le dessein qui le hantait tout en le fascinant jusqu’aux plus profonds recoins de son phallus, il choisit la femme, celle qu’il voulait conquérir. » Je crois qu’il faut que je retravailles un peu le style, j’utilise trop souvent les « que », c’est sûr, mais lorsque j’en met pas, j’ai toujours cette impression bizarre qu’il manque quelque chose.

            J’ai imaginé que la conquête de la femme se ferait d’abord par une guerre ; je pourrais dénoncer ainsi l’absurdité, et surtout les effets néfastes qu’elle a, et notamment sur la vie. « Des canons plus aberrants les uns que les autres formaient une étrange lignée à l’arrivé du vieux sage. Cette sensation étrange qu’il ressentit n’eut d’égale que les chocs sonores qui s’en suivirent mais qu’il ne pu ouïr, car il entendait mal. Des corps sanglants volaient au dessus de sa tête, il aurait bien aimé en attraper un pour le secourir, mais il avait encore beaucoup de chemin à faire. A l’instant où il observa la place du soleil, il comprit qu’il serait en retard à ce que son cœur et lui, avaient prédit ; il restait le courage. » J’aime bien ce passage, surtout la fin qui m’émeut à chaque fois que je la lis. J’ai l’impression d’être réellement dans la scène, juste devant le vieux, comme si je tenais la caméra qui le filme, comme si je lui disais son texte, et lui demandait de montrer la sensation d’incompréhension qu’il ressent à l’instant même où il parle à son cœur. Quelle amertume !

            Il arrive alors dans une ville détruite. Des larmes de joies coulent sur son visage barbu comme si il avait l’impression de revoir un vieux pays qu’il avait presque oublié. Voici des bribes : « Lui, c’est un sournois, pensa-t-il en apercevant l’homme-canibale qui déglutissait un cadavre en décomposition, resté mort sur la paille. La paille de l’honneur bien entendu. Lorsqu’il eut l’impression qu’il en avait fini, il se saisit du crâne et prit la fuite, hurlant son dégoût et sa virilité. Le vieux sage connaissait cet endroit, oui, il avait déjà vu cette maison, là-bas au coin de l’impasse, et puis ce château, là-haut, c’était, mais oui, c’était là qu’il était né, il s’en souvint comme si c’était hier. » J’ai choisi de faire un retour en arrière pour que le lecteur devienne moins suspicieux par rapport au héros, qu’il le comprenne, qu’il en fasse un proche, un ami intime, et non un vieux grabataire tremblotant, insensible à la guerre et à la misère dans le monde.

            Après moult péripéties que j’ai chacune d’entre elles imaginé, il y aurai une fin retentissante ! Le vieux sage, alors qu’il serait sur le point de conquérir la femme, est pris soudain de panique et comprend dans un profond sentiment de terreur, alors même qu’il va conclure, qu’il n’aime pas les femmes, qu’il les haït ; à cet instant, il est prit de remords, son incertitude est total. Alors, avec l’énergie du désespoir, il se venge. Il la viole. « Tandis que je l’enlaçais fébrilement, elle auscultait avec passion ma barbe à la blancheur éclatante. Je finissais de me dénuder. Habité par se profond sentiment de haine et de mépris pour la femme, qui me transcendait intérieurement, je ne sus que faire. Le doute et l’incertitude, les tremblements, la sueur d’une transpiration insupportable, les nerfs qui lâchent,……..il fallait réagir, clamer par ce cri furibond qui sortirait de ma bouche, ma colère, cette animosité ontologique, avec l’énergie du désespoir ! Me relevant, le visage blême, je pris mon phallus et mon courage à deux mains. Alors, avec l’énergie du désespoir, je me venge. Je la viole. Avec l’énergie du désespoir.» Cette fin est d’autant plus poignante qu’elle s’appuie sur l’énergie du désespoir. J’ai voulu cette ambiguïté.

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