Journal d'un cancer du fion

Publié le par Lukaleo

Ma mère était une cirrhose du foie, mon père était un cancer du sein, je suis un raté. Un détestable, un misérable raté. Déjà, à la maternelle on se moquait de moi, de mes différences, de mon physique, de mes goûts de chiottes, de mon hygiène. Aujourd’hui, ma vie est insipide mais difficile, abominablement difficile. Mes journées se résument à patauger sempiternellement dans une crasseuse et négligée matière qu’on nomme communément « la merde ». A côtoyer furoncles pensionnaires ou hémorroïdes de passage dont la bassesse et la médiocrité qui me donne par ailleurs un plus ample prestige, n’a pour autant pour moi rien de bien gratifiant. Ce n’est pas tout. Car en plus de faire chier, cette infâme et abjecte matière susdécrite exhale à tout humeur empreint de curiosité impérieuse, et à moi-même par le fait que mon statut le suggère, une odeur pestilentielle à laquelle le dernier poilus serait bien le seul à ne point en décupler l’envergure, et encore ! Mais, hélas, tout ceci n’est que routine quotidienne et platitude journalière.

Dès hier soir, le trafic le transit devint plutôt fluide. Sa durée n’augura, au demeurant rien de bon. Je ne pus fermer l’œil de la nuit. Au même moment, la veille, je fus confronté à une expérience atypique, inhabituelle à cœur. Alors que je désherbais la pelouse luxuriante, envahis par les morpions, un doigt vint se glisser dans l’antre postérieur et chatouiller l’obscure contrée. Ceci déclencha une arrivée soudaine d’un vent qui semblait venir des plus abyssales profondeurs de la terre et dont la détonation extérieure s’associait à l’éruption massive d’une effluve riche en fer moisi. 

Aujourd’hui, je suis reposé. La vie est dure, je ne vois pas grand monde. La semaine dernière, je faisais la remarque à une hémorroïde vieillissante. « La vie est dure, je ne vois pas grand monde. » « En même temps, on est dans le trou du cul du monde ! » qu’elle m’a répondu. Elle a raison. Mais bon, de toute façon on peut rien n’y faire, de toute façon. Faut attendre que ça s’passe et pis c’est tout.

Ce matin, Maman a appelé. Elle est attristée par ma profonde souffrance. Chaque fois je ne peux pas m’empêcher de chialer dès qu’elle appelle. D’un côté je suis vivant, mais je crois que je préférais milles fois crever, en finir avec cette vie de chien. Mais forcément, les cancers du fion sont totalement bénins.

Dans quelle merde je suis tombé moi… 

Publié dans Journaux intimes

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