Bof, l'espoir

Publié le par Jovialovitch

     Que le monde est beau quand il change. Quand il fulmine et s’épanche : quand il chante. Liesses et larmes à l’œil, du fond des temps, une grande clameur s’élève. L’entendez-vous ? C’est l’espoir, qui rentre dans l’air, dans l’odeur du temps et dans le ventre des gens. D’est en ouest, il donne des frissons. Il traverse les mers les cœurs et les âges, il s’affirme et se pleure, avec des points d’exaltation. Il change le monde, qui est déjà différent. Le voilà tout enfant, espérant, gaillard et rigolo, avec un grand sourire et un habit de lumière. Il gambade et s’amuse, il en oublierait tous ses soucis. Il rigole de tout, même des pires obstacles : ce ne sont que des défis, qu’il faut relever. L’horreur de la vie, la misère du monde… « Je le peux ! » se dit le monde : tout est possible et tout va changer. C’est un enfant avec de grandes dents ; un gavroche rempli d’espoir…

        Le monde voit là-bas une belle et longue ligne d’horizon. Elle est lointaine. Il y a un beau soleil qui se lève dessus, brillant comme de l’or ; il y a aussi des arbres et des fruits, des lits et de l’amour. Le monde voit bien tout ça, et il veut y aller. Il veut s’asseoir là-bas, entre la terre et le ciel, juste sur l’horizon, qu’il discerne là-bas, au lointain, sur une ligne. Alors, il court, le monde, il court, et l’espoir se gonfle en lui. Il sautille, comme une cigale, langoureux le monde, il s’en va par les champs, il veut aller, là-bas, à l’horizon, sur la ligne ; c’est son espoir, c’est son Amérique à lui. L’horizon s’approche, le ciel avec lui. Il a raison, il redouble son effort, le monde ; il entend un accord de guitare, au moment où il passe ; il sent résonner dans son cœur les tam-tams de l’Afrique, il cri du gospel et son sang ne fait qu’un tour. Des danseurs autour de lui, et des drapeaux par milliers,  rires et joies sans raison.

        Quelle course : le vent de l’Histoire souffle dans ses ailes, il va plus vite encore ! Enfin favorable, ce vent si mauvais, si souvent ! Mon dieu, que cet horizon est beau ! Vite, Monde, vas-y, Monde ! Cours-y plus vite, petit monde, vers cette ligne d’horizon !... bouteille à la mer, ton port approche ; putain, voici ton trottoir ! Tu vas l’atteindre, tu vas t’y asseoir, entre ciel et terre, devant le soleil qui se lève et les blancs oiseaux qui s’envolent ! Que d’allégresse, que de joies et de sourires : plus de cendres ni de rien blessures ! Ton rêve, petit Monde, tu vas l’atteindre, enfant drôle, petit prince de rien, chose mignonne : court, petit bébé !

         Il va courir le monde, il va courir quatre ans ! Quatre ans encore, il s’essoufflera, misérable, et il s’arrêtera, effondré ! Le monde rêve le rêve sublime, mais il ne le vivra pas ! Il le rêvé trop fort pour que ce soit réalité ! L’horizon sublime, on ne l’atteint jamais. Jamais, il ne sera là-bas, entre ciel et terre, jamais il ne sera juste là, à l’horizon, juste sur la ligne… cette ligne, nulle ne peut l’atteindre. Elle est obsédante, elle sourie, et lui dira un jour, de son âge d’or, que là où tu es, le bonheur est ailleurs.

Publié dans Nouvelles enivrées

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