Un paravent de beauté ou Le Frère de Mlle d'Horangeade

Publié le par Jovialovitch


 

     Aïdigalayou était ému car il aimait intensément Mlle.d'Horangeade et qu'il l'avait invité à assister à un opéra à la Scala de Milan. On allait y représenter une œuvre magistrale du grand compositeur allemand Karl Schtroumpf, et Mlle.d'Horangeade avait accepté l'invitation italienne. Aïdigalayou s'était épris de Mlle.d'Horangeade il y a six mois, mais bien qu'il la connaissait depuis longtemps, il avait été trop timide pour lui parler. Elle avait un caractère souvent rieur et enjoué et si elle aimait user de son esprit espiègle, elle pouvait être d'un sérieux exigeant et courageux qui pouvait jusqu'à la faire pleurer si elle subissait, chose intolérable, la flétrissure de l'échec. Aïdigalayou, homme à la vaste érudition, doté d'une grande élégance et d'un esprit vif était un fin observateur et affectionnait l'ironie qu'il utilisait fréquemment afin d'agir par une finesse insolente, et parce qu'il était bien moins courageux que Mlle.d'Horangeade.

     Il est certain que Mlle.d'Horangeade aimait Aïdigalayou, mais fort pudique, ne se plaisait guère à le montrer et préférait l'aimer follement, en elle-même, et derrière son rire délicieux.

     Le jour où Aïdigalayou avait décidé d'inviter Mlle.d'Horangeade, il s'était muni de sa plus belle plume et avait rédigé une lettre enflammée que le trop peu de place dont nous disposons ici, ne nous permet pas, hélas, de retranscrire. Mais enfin elle lut cette lettre et lui répondit ; seulement, avec une étrange retenue, qu'heureusement, venait attiser des taches d'encres diaphanes à certains endroits qui indiquaient qu'elle avait pleuré en rédigeant sa froide missive. Toute l'émotion se ressentait avec plus d'intensité encore dans l'écriture oscillante qui en avait abrégé la lettre ; lorsqu'elle reçue cette invitation, sa surprise fut totale et elle en fut touchée profondément. Aïdigalayou était lui resté interdit tant il éprouvait de joie à l'idée de ce voyage.

     Le jour du départ, Aïdigalayou allait chercher Mlle.d'Horangeade chez elle. Trop impatiente, elle n'avait pu s'empêcher de demeurer postée à sa fenêtre pour voir arriver son amour. Comme Aïdigalayou n'avait jamais vu la chambre du petit frère de Mlle.d'Horangeade que vide, et que celui-ci était là, radieuse qu'elle était, elle voulut le présenter à Aïdigalayou non moins ravi de faire la connaissance du frère, lui qui avait déjà rencontré la sœur. Mais quand il aperçut le jeune homme, Aïdigalayou restât muet devant lui tant il avait été frappé par la beauté pure du jeune éphèbe à la grâce infinie. Il avait été immédiatement bouleversé par le visage de cet être extraordinaire qui dans sa masculinité déployait une féminité sublime. Certes il y avait le visage, mais la corps aussi, et là, il déployait quelque chose de très anglais dans son élégance, mais son indépendance, son silence et son regard posé mais toujours éveillé étaient français, sa distinction et sa discrétion, lombarde. Aïdigalayou crut même que le jeune enfant saisit l'effet qu'il lui fit quand Aïdigalayou restât interloqué devant lui et que son amie l'invitait dans sa joie à lui serrer la main alors qu'il aurait voulu emporter avec lui, loin d'ici, ce paravent de beauté, cet ange efflorescent, cette innocence dansante, cette solitude cabrée. Hélas, hélas, il fallait partir, tout de suite ; tout se précipitait, Aïdigalayou sanglotait, ils quittèrent la maison, ils arrivèrent à l'aéroport, et Mlle.d'Horangeade ne comprenait pas cette tristesse subite de son amant qu'Aïdigalayou s'efforçait pourtant de contenir.

     Au moment du décollage Aïdigalayou souffrait trop d'avoir laissé loin de lui le jeune homme pour qui il éprouvait en plus du chagrin, un amour par mille fois augmenté du fait de la séparation. Il aurait voulu l'emmener avec lui ; là, dans l'avion, il aurait pu contempler son visage d'archange, il aurait pu voir son sourire délicat et les trait de son visage, il aurait pu l'embrasser ; n'en pouvant plus, Aïdigalayou demandât en veillant à baiser le front de son amour, si elle n'avait pas une photographie de son jeune frère. Elle parut étonnée mais heureuse de voir qu'il était intrigué par sa famille, et non insensible. Enfin elle lui fit part d'une petite enluminure du jeune apollon qu'un simple regard suffit à apaiser la souffrance d'Aïdigalayou qui, alors que Mlle.d'Horangeade s'était assoupie paisiblement, se répétait, les yeux en larmes déposés sur la photo, « Notre mal ne vaut pas un seul de ses regards », inlassablement.

Publié dans Nouvelles enivrées

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