Séquence et papier peint
Le cinéphile est parfois fou. Mais la plus souvent, il va bien. Le cinéphile, c’est rien qu’un type qui aime drôlement le cinéma. Parce que pour lui, le cinéma, c’est la vie. Aussi, aime-t-il voir des films. Car en somme, le cinéma, ça n’existe pas. Y’a que les films qui existent. Et les films, c’est ni plus ni moins que de la lumière bariolée que l’on projette gaillardement sur une toile blanche clouée contre un mur derrière un rideau rouge pour que ça forme des images chimériques d’acteurs auxquels ont rajoutent des voix fallacieuses. Mais ça, le cinéphile, il ne veut pas l’entendre : « Le cinéma, c’est la vie », qu’il pense, le cinéphile. C’est pour ça qu’on dit qu’il est parfois fou. Mais attention, le plus souvent, il va bien. Le cinéphile, quand il va au cinéma, il est tout fou de joie et d’impatience. Des fois, la cinéphile, il s’énerve. S’il voit un film étranger traduit en français, il fulmine. S’il voit un film auquel on inflige une coupure publicitaire, il crie au scandale. Si quelqu’un mange des pop-corn dans la même salle que lui, il est au bord de ce qu’il conviendrait d’appeler la crise de nerfs. Et quand il voit un film passablement affligeant, il casserait tout. Par ailleurs, si dans la salle, il n’est pas au premier rang au point que ça lui abîme les yeux, il se barre : « au cinéma, il ne faut plus voir les cadres ! » Du reste, il refuse de voir un film si l’image n’est pas plus grande que lui. C’est bien simple, le cinéphile, il est parfois fou. Mais en règle générale, il va bien.
Le cinéphile, a peine on lui demande le dernier film qu’il est allé voir qu’il se met à parler, et qu’il ne s’arrête plus pendant des heures. Si tôt qu’on lui demande ce qu’il a pensé de dernier navet de tel ou tel réalisateur, qu’il s’enflamme, et qu’il profère ce qu’il en a médité. Il suffit de lui poser la fatale question du film culte, pour qu’il ne vous lâche plus des jours, en vous parlant de sa passion pour les trois ou quatre long-métrages auxquels il voue une passion qui frise le ridicule. Alors, y’en a qui dise que le cinéphile, il est fou. Mais faut le prendre à la légère : la plupart du temps, il va bien.
Le cinéphile, la nuit, il rêve des cinq ou six films qu’il a vus dans la journée. Il lui vient des idées sur le scénario, des questionnements sur l’intrigue, des constatations fumantes sur une certaine mise en scène. Des fois, il se lève… y’a un truc qui l’obsède. Souvent c’est dans la Mort aux trousses (qu’il a vue cent soixante-dix fois). Une scène qu’il n’a pas bien compris. Quelque chose qu’il a raté. Ou bien alors, c’est Citizen Kane… Lui, il l’a vu tellement de fois qu’il compte plus. C’est comme Kubrick. Il passe ses films en boucle, cinq, six, sept ou huit fois de suite… Faut dire, c’est quoi cette plaque noire, qui vole avec une drôle de musique, dans 2001 ? Ben le cinéphile, il cherche. Il veut comprendre. Il enquête. Dix ans que ça dure. Il en a même fait une dépression, une fois. C’est pour ça qu’y en a qui disent qu’il est fou. Non. Le plus souvent, il va très bien.
C’est quand même pas parce qu’on connaît par cœur le générique du Napoléon d’Abel Gance qu’on est un fou furieux ? Et c’est pas parce qu’on connaît tous les nommées et tous les vainqueurs de la catégorie « meilleurs films » des Oscars, des Césars, de la Palme d’Or, de l’Ours de Berlin et des Golden Globes depuis 1928 qu’on est un malade mental ? Faut arrêter. Le cinéphile, il connaît sur le bout des doigts tous les dialogues de Robert de Niro depuis Taxi driver. Et alors ? Il n’est pas dingue pour autant. D’ailleurs, il connaît aussi ceux d’Audiard. Et sous prétexte qu’il est amoureux de Greta Garbo, qu’il se masturbe en pensant à Erich von Stroheim dans la Grande Illusion, et qu’il a vu sept mille fois la scène de l’accident dans le Corniaud, il serait bon à la camisole le cinéphile ? Mais pas du tout : le plus souvent, il va bien !
Le cinéphile, a peine on lui demande le dernier film qu’il est allé voir qu’il se met à parler, et qu’il ne s’arrête plus pendant des heures. Si tôt qu’on lui demande ce qu’il a pensé de dernier navet de tel ou tel réalisateur, qu’il s’enflamme, et qu’il profère ce qu’il en a médité. Il suffit de lui poser la fatale question du film culte, pour qu’il ne vous lâche plus des jours, en vous parlant de sa passion pour les trois ou quatre long-métrages auxquels il voue une passion qui frise le ridicule. Alors, y’en a qui dise que le cinéphile, il est fou. Mais faut le prendre à la légère : la plupart du temps, il va bien.
Le cinéphile, la nuit, il rêve des cinq ou six films qu’il a vus dans la journée. Il lui vient des idées sur le scénario, des questionnements sur l’intrigue, des constatations fumantes sur une certaine mise en scène. Des fois, il se lève… y’a un truc qui l’obsède. Souvent c’est dans la Mort aux trousses (qu’il a vue cent soixante-dix fois). Une scène qu’il n’a pas bien compris. Quelque chose qu’il a raté. Ou bien alors, c’est Citizen Kane… Lui, il l’a vu tellement de fois qu’il compte plus. C’est comme Kubrick. Il passe ses films en boucle, cinq, six, sept ou huit fois de suite… Faut dire, c’est quoi cette plaque noire, qui vole avec une drôle de musique, dans 2001 ? Ben le cinéphile, il cherche. Il veut comprendre. Il enquête. Dix ans que ça dure. Il en a même fait une dépression, une fois. C’est pour ça qu’y en a qui disent qu’il est fou. Non. Le plus souvent, il va très bien.
C’est quand même pas parce qu’on connaît par cœur le générique du Napoléon d’Abel Gance qu’on est un fou furieux ? Et c’est pas parce qu’on connaît tous les nommées et tous les vainqueurs de la catégorie « meilleurs films » des Oscars, des Césars, de la Palme d’Or, de l’Ours de Berlin et des Golden Globes depuis 1928 qu’on est un malade mental ? Faut arrêter. Le cinéphile, il connaît sur le bout des doigts tous les dialogues de Robert de Niro depuis Taxi driver. Et alors ? Il n’est pas dingue pour autant. D’ailleurs, il connaît aussi ceux d’Audiard. Et sous prétexte qu’il est amoureux de Greta Garbo, qu’il se masturbe en pensant à Erich von Stroheim dans la Grande Illusion, et qu’il a vu sept mille fois la scène de l’accident dans le Corniaud, il serait bon à la camisole le cinéphile ? Mais pas du tout : le plus souvent, il va bien !