Une Révolte ? - Non sire, une Réveilolution !

Publié le par Jovialovitch

     Maurice était en train de dormir paisiblement, dans le noir et le silence. Il sombrait tout guilleret dans ses heures de néant qu’on appelle le sommeil. Inconscient, entouré des louanges douces et aveugles de la réparation, il sommeillait comme il se doit, de le torpeur la plus saine. Mmmh…

      Soudain : le réveil s’exclama ! Ignoble, imbécile et sadique pendulette ! Qui tire de la douceur nocturne les plus gentils dormeurs ! Maurice, couché sur le ventre, la tête dans l’oreiller, gémissait d’un cri rauque et plein de colère, contre cette abjecte stridence métallique et criarde, qui lui gâchait la nuit. Dieu que sa couverture était douce, qu’il était bien dans ce lit, endormi, couché sans forcer ! Pour rien au monde il ne sortirait ! Pour rien au monde il ne se lèverait, comme un soldat à l’appel du clairon ! Jamais ce petit réveil de malheur ne le ferait bouger ! Car, derrière ces sonneries horribles, il y avait tout un cortège d’obligations : s’il hurlait, s’était pour le forcer à aller aux travail, sortir et aller vivre, dans le vaste monde ! S’était comme un signal : il lui fallait se mettre en état de marche, l’opération venait de commencer ! Mais ce n’était là qu’une énième journée de plus ! Il fallait encore une fois qu’il enfile son masque souriant, plaisantin… qu’il parte pour le travail, qu’il remplisse sa journée, qu’il se fasse chier des heures entières d’ennui et de colères contenus ! Non, pas question ! Impossible !...nom d'uen chique molle ! 
         Ce réveil, qui continuait d’hurler ses sapidités assourdissantes, à chaque fois plus exaspérantes, apparaissait maintenant à Maurice comme le symbole de tout ce qui l’asservissait, le figure même du joug sociétal qui l’étouffait ! Voilà l’ombre du poignard ! Le début du totalitarisme, pensait-il, à moitié endormi ! Ce réveil, c’est tout ce que la société impose à l’homme ! C’est tout ce qui limite nos libertés les plus élémentaires ! Ce réveil, c’est comme une dictature douloureuse qui vous contraint  de ne pas rêver, comme d’autres vous interdisent de penser ! Voilà la réalité du réveil ! Parangon du déterminisme et de l’impossibilité de vivre comme on l’entend ! Maurice n’en pouvait plus !... une haine farouche contre le réveil l’emportait !

         Dès lors, voyant dans la figure rondelette et perçante de ce réveil tout ce qu’il détestait dans la société actuelle, à savoir le bruit du capitalisme libéral outrancier et bestial, les intérêts économiques de ces grandes multinationales kafkaïennes qui ont besoin que les hommes se réveillent le matin pour faire des profits, la déshumanisation des rites les plus fondamentaux de la vie humaine, Maurice, au comble de la colère et de la révolte, se rebella, et faisant table-de-nuit rase du passé, il envoya valser en l’air se foutu réveil ! Celui-ci, projeté, s’écrasa avec fracas contre le murs, et enfin, se tu définitivement ! Ah ! Maurice l’avait emporté sur le capitalisme ! Il avait envoyé valser l’horreur de cette société qui le condamnait à respecter des règles atroces ! Il était un grand révolutionnaire… Il ne s’était pas laissé faire, nom de dieu ! Et maintenant que le silence régnait de nouveaux, il entreprit de se laisser aller au sommeil… Doucement... calmement...

         Cinq minutes ne s’étaient pas passé qu’il sautait du lit avec empressement : « je vais être en retard au boulot, bordel ! »

Publié dans Nouvelles enivrées

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