Aïdigalayou, ou l'Imposteur (Acte Ier)
Personnages : ALFRED, CHRISTOPHE POINT, AÏDIGALAYOU
La scène est à Paris.
ACTE I, Scène 1
ALFRED, CHRISTOPHE POINT
ALFRED
Je vous dis que cet homme inique,
Cet Aïdigalayou au sourire énigmatique
N'a rien d'un sérieux ni d'un sincère
Il ne sait que tromper, et vous mon cher
Vous vous gardez bien de vous en rendre compte
Vous batifolez naïvement et n'écoutez ce que je vous raconte !
CHRISTOPHE POINT
Je n'écoute rien en effet qui ne sorte de sa bouche
Quant à vos calomnies, elles n'en sont que plus louches
Jamais homme qui ne fut comme lui
N'eut été capable de tromper autrui
Il est très beau et sa grâce est immense
Vous mon cher, vous n'avez ni charme ni excellence.
ALFRED
Les charmes ne font pourtant rien à l'affaire.
Je vous dis qu'il vous trompe et n'en suis que plus amer
Ce n'est pas que cet homme soit frivole par nature
Mais voir que vous vous abusez tant devant sa factice parure
Me contriste, et je ne puis souffrir pareil désagrément
Vous voir béat et tout admiratif, pareil à un enfant !
CHRISTOPHE POINT
Je ne vous comprend pas et vous m'agacez
Aïdigalayou n'est point sot mais de grande sincérité
Et sur vos allusions à mes enfantillages
Je vous réponds clairement que je vous rends cet outrage.
ALFRED
N'allez-vous dont pas cesser d'être sourd
A mes révélations, et encore aveugle à ces malversations
Votre homme joue à un jeu et vous n'en percevez que l'apparence
Au demeurant sérieuse, mais sans consistance.
Scène 2
CHRISTOPHE POINT, AÏDIGALAYOU, ALFRED
CHRISTOPHE POINT
Mon cher vous voilà, nous parlions justement de vous
Nous disions que vous êtes beau, et point laid du tout.
N'est-il pas ?
AÏDIGALYOU
Vous me flattez, certes, mais je ne vous contredirais pas
Car je suis en effet fort bien bâti et vous êtes sensible à ma virilité !
Mais je sais aussi les choses de l'esprit et de la vérité.
Vous Christophe Point, je vous aime et sans raison
C'est là sans doute la preuve de mon adoration.
Maintenant je m'excuse de vous insulter
Mais je dois sur le champ me retirer.
Scène 3
CHRISTOPHE POINT, ALFRED
CHRISTOPHE POINT
Qu'avez-vous à dire là, sur cet homme génial.
Rien assurément qui ne serait trivial
ALFRED
Certes non, je ne dirais rien
Concernant son génie, à ce malin
Je note cependant qu'il vous est incompris
CHRISTOPHE POINT
Je rétorque que vous vous méprenez sur son génie !
ALFRED
Fort bien, fort bien ; cachez-vous sous la table
Quand il reviendra je vous montrerais que vous êtes pitoyable !