Louis Vidal, nous voilà ! - Le songe (1/2)

Publié le par Jovialovitch

 

9.

 

      Emporté tout entier dans cette danse mystique, Louis Vidal n’avait pas épargné une seule goutte de son sang, et dans ses veines, il coulait maintenant un liquide en fusion, qui valsait de son cœur à ses membres avec une exaltation sulfurique. Il sentait le feu dans ses entrailles, il sentait la sueur sur sa peau, il se sentait épuisé, vidé de toute énergie : absolument vivant ; et alors, n’y tenant plus, il s’effondra de douleur, et plongea tout entier dans le sommeil le plus lourd, le plus profond, comme aucun vivant n’en avait connu auparavant – à moins que les pierres ne vivent. Le néant devant ses yeux, qui le berçait… et soudain, dans les papillons de lumières de cette nuit sans lune, voici que Louis Vidal se mit à rêver le plus beau rêve de l’humanité :

 

LE SONGE DE LOUIS VIDAL

Première partie

 

      C’est un soleil qui se lève sur le printemps, en embrasant le ciel comme un lever de rideau ; c’est un soleil qui darde ses faisceaux lumineux d’entre l’ombre des sapins, et qui déchire d’une clarté safrané les exhalaisons vaporeuses de la rosée du matin. Pas un bruit, sinon celui du silence qui se dissipe : l’aube déverse sur la plaine les flots du jour, et tout éclot à la lumière. Voici le vent qui se lève, et qui porte les sons comme du pollen ; c’est toute une musique qui s’en vient, de partout, de nulle part : la rivière murmure, les oiseaux chantent, les feuilles  fredonnent, et le coq vocalise. Tout n’est que beauté dans ce tout petit matin : et avec cette étrange énergie qu’on a dans les rêves, Louis Vidal avance dans un beau chemin où son ombre le précède ; il voit là un étang dont la surface lisse et profonde reflète à merveille le bleu du ciel ; il contemple une colline, à sa gauche, chauve et bombée, dont l’herbe verte est aiguayée par l’ombre et dorlotée par le vent ; il distingue au loin, derrière l’horizon, d’autres montagnes, plus hautes, plus froides, que la distance colore d’un peu de flou et de fragilité. Il s’avance, il court jusqu’à tomber parmi les arbres qui s’élancent vers le ciel ; il s’abandonne et traverse ces reliefs comme on caresse un corps. Il parvient au sommet d’un mamelon ; et devant lui s’élance alors une vue sans fin ! Il contemple ce printemps vivace, et il sent le vent derrière lui, qui charrie de belles et de grandes odeurs ! Il se jette alors, et dévale la pente devant lui, et ses jambes emportées, c’est comme s’il ne touchait plus le sol et qu’il s’envolait en le frôlant de près. Il arrive finalement dans un long chemin bordé de platanes ; derrière, un cheval, un champ de poireaux, et un pré sans vaches. Tout cela lui est familier. Et puis soudain, une ferme… la ferme de ses parents, et de son enfance… Il la voit, qui est là !... et qui n’a pas changé. Il s’approche, et il y rentre. Tout est désert. Mais le souvenirs jaillissent nombreux : la cuisine, avec son fourneau, vaillant ennemi du froid, et cette porte, de l’autre côté, qui sonne sur la grange ! Il remonte cet escalier qui grince, et ce couloir, avec cette odeur qu’il n’avait jamais retrouvé ! Il pénètre dans sa chambre, et l’émotion l’étreint : son lit, si chaud est encore là, avec la bouillotte sur la couverture ; cette petite fenêtre, qui laissait passer à l’intérieur de la pièce le sifflement de la bise en hiver ou la lumière mouvante des phares de voitures, qui se projetaient contre les murs. Tout est là ; même le drapeau de la France, recouvrant tout le mur du fond. Louis Vidal est frappé : voilà longtemps qu’il ne l’avait revu, ce sublime drapeau tricolore ! Si longtemps que son rêve se bouscule : le revoilà dans son village, un peu plus loin, sur la place… à cet endroit même où il s’était trouvé devant le monument aux morts ; ce jour-là où il avait comprit qu’il était le plus français de tous les français… Ah ! Il revoit alors le Monument au Morts, il l’a devant ses yeux… Mais derrière… derrière, la brume se dissipe, et la lumière revient, et un grand et immense bâtiment apparaît soudainement… un bâtiment avec des vitraux, et des colonnes, et un clocher !... un bâtiment qui n’était rien d’autre qu’une église... Oui, une église !…

Publié dans Suite of this

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