Boue, Brumes et Brise...

Publié le par Jovialovitch

     Jusqu’au bout des yeux, rien que des plaines de plats : de plein pieds rien que l’horizon, gris, mouillé, fade. Un ciel lourd, vaseux, une vraie peinture. Rien que des nuages, épais, monstre vaporeux, continents d’effluve qui défilent sans bouger, avec pour seule clarté, l’insipide limpidité de ce soleil caché dont on n’a plus vu le visage depuis trop longtemps. Un ciel qu’on croirait regarder par terre. Un ciel bas, sans espoir, qui vous empêche de rire, « qui vous apprend l’humilité », qui pèse au dessus de la tête. Gris pour seule couleur, des carnations moroses par milliers, une diversité mouvante de nuages glabres, qui se meuvent en ligne droite comme en penchant la tête. Une muraille dans le ciel, qui ne laisse rien passer de lumineux, ni de bleu. Un couvercle qui nous enferme, dans ce si vaste petit pays. Debout, dans le vent, songeur, devant le plat, l’impression que le ciel est plus grand que le sol prend à la gorge. Le ciel, rempli plein de ces conflagrations dodues nébuleuses, semble écraser la terre. Il semble bien que le plancher soit suspendu en l’air, dans le rien pâle de ces galaxies de mousse maussade. On se sent petit, misérable, dans ces automnes mourants de froid et de brouillard. La boue, la flotte humide d’une terre retournée pour seule compagnie, qui à l’air de pleurer de sa solitude brumeuse. Les forêts sont habillées toujours par leur manteau de crachin, les roches ont leur écume mauve, l’herbe à sa rosée lente et tiède, le ciel son caban de coton terne. Ici, la nature s’habille triste. Pas de fantaisie. Du chaud, du solide. Et elle se change peu. Elle n’ait jamais nue, ne se découvre pas d’un poil. Rien de charnel, aucune douceur de chair dévoilée, d’intimité bleuissante. Non, rien. Condamnée à se pelotonner dans ses frusques d’automne achevé, d’hiver raté, en retard, nul, ni froid ni blanc. Il ne tombe sur ce plat rien que des colonnes lentes et ralenties de pluies fines et groggy, des linceuls de brouillard poussés par le vent solitaire qui beugle dans la nuit. Combien de tonnes de flotte ont-ils pris dans la figure, ces champs, ces prés, ces riens insignifiants qui n’existent pour personne ?... Cet horizon blême qui ne changera jamais, qui est toujours le même, qu’on le regarde vers le sud, le nord, n’importe où, des kilomètres à la ronde, des milles et des milles alentour, c’est le même : du plat qui répond à du plat, du plat qui se reflète dans  du plat, du plat qui veut du plat, qui donne du plat. Alors on court, on fuit, on s’arrache de cette brume, on n’en veut plus de ce silence qui étouffe. On avance droit devant soi. Sans route, sans chemin, sans rien. Devant. Tout simplement. On veut des montagnes, des ruisseaux, qui courent et qui creusent le sol, on veut des gorges, du ciel bleu qui illumine d’ombre et de lumière le sol qui s’épand de reliefs compliqués, complexes, joli, tassés, qui fourmillent en montagnes hautes, crevasses immenses, des arbres, des roches, des mouvements, des orages, qui gueulent dans le vacarme des sons de l’orgue de la nature, des couleurs à n’en plus finir, des violets abricotée qui pullulent sur les fruits des arbres, des maisons, des villages joyeux, et des soleils gros, énormes, qui sourient, qui chantent sur ces cuisses, ces poitrines, ces hanches grasses et charnues, joufflues du monde, en collines, monts, cimes et faîtes ! Ah ! Mais ce pays là, on ne le trouve pas… le plat, toujours le plat, rien que le plat ! Le reste n’existe pas !

Publié dans Nouvelles enivrées

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