La déroute des bougies éteintes

Publié le par Lukaleo

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Sur les flancs abrupts d’une montagne en perdition vivait un homme qui avait subi le sadisme de la nature. Dans une sorte de petit renfoncement intérieur, suffisamment grande pour abriter un homme quoique il ne fallut point en exagérer la masse, errait un petit homme à l’apparence malicieuse que la joie de vivre semblait ceindre en une alvéole de paix et d’enchantement pourtant fallacieuse.

Si nul ne savait comment le fugace personnage était arrivé là, chacun se persuadait qu’il vivait là haut sans se soucier des évolutions de la société ni de la sortie du dernier Harry Potter, ce qui n’est pas si mal. En revanche, tout le monde se posait, malgré une certaine retenue, la question insidieuse de savoir comment il se nourrissait alors qu’il demeurait incessamment dans son humble antre précédemment évoqué. Seuls les plus subversifs villageois de la bourgade voisine se targuaient de divulguer « ce que tout le monde pense tout bas » comme ils le disaient au comptoir du René (un vieux barman de quarante ans qui faisait trois fois son âge) en évoquant la condition irrationnelle du nabot de la montagne en perdition. Si les plus vieilles du village le disait fou et « pas pareil que nous », ce qui n’est pas si mal, personne en réalité ne lui avait jamais adressé la parole sauf un vieux savant fou qui, selon la légende, s’était retirer dans les arbres de la forêt voisine car il était muet et mal compris de ses contemporains.

Hubert-Bernard Gravillon était né en 1885 dans le sud de la France, pas loin de Bagnols-sur-Cèze. Après deux redoublements consécutifs des classes de petite et moyenne section, ses parents, désespérer par les mauvaises notes de leur fils le placèrent dans un internat après qu’un psychologue l’ait considérer comme surdoué. Fort de ses années de discipline thatchérienne, il s’en retourna au domicile conjugal où pendant un an il étudia les mathématiques. Déjà inférieur en taille à tout ce qui est petit, le brave Hubert-Bernard fit son entrée à l’Académie française après un bref passage par L’étrange rendez-vous, une librairie de qualité, où il acheta Le pingouin de nuit, une bande dessinée signée Jacky Perou. A la fin des années 80, il prit sa retraite dans un paisible village de Dordogne, à l’ombre des mégalopoles inhumaines.

Lors de son arrivée en ces lieux paisibles, il s’octroya une petite soirée durant laquelle il parvint, d’une manière irrémédiablement ignorée, dans une encoignure que formait une montagne qui dominait le bourg endormi. Ne sachant comment en descendre et s’en extirper d’une quelconque façon ; après moult réflexions, il se convaincu que rester là où il était demeurait la plus sage des décisions.

Ainsi accroupie depuis pas moins de deux mois sur ce flan de montagne devenu culte, Hubert-Bernard, petit jovial nerveux, entendait néanmoins - ce qu’il pouvait entendre - d’un œil amusé et d’une oreille déridée les dires des gens du village point dénués de mépris passionné.

Quant à savoir comment il se nourrit, nous ne saurons rien, surtout depuis qu’il est mort, pas plus tard qu’hier, apparemment de faim.

Publié dans Nouvelles enivrées

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